Textes pour les exercices d'interprétation devant la caméra

Texte 1 : Tu seras un homme, mon fils de Rudyard KIPLING

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir,
Si tu peux être amant sans être fou d’amour ;
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et , te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu peux être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

Texte 2 : SERMENT D’HIPPOCRATE proposé par l’Ordre national des Médecins

"Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs. Je ferai tout pour soulager les souffrance. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque."

Texte 3 : L'île au trésor de Robert Louis STEVENSON

"C’est sur les instances de M. le chevalier Trelawney, du docteur Livesey et de tous ces messieurs en général, que je me suis décidé à mettre par écrit tout ce que je sais concernant l’île au trésor, depuis A jusqu’à Z, sans rien excepter que la position de l’île, et cela uniquement parce qu’il s’y trouve toujours une partie du trésor. Je prends donc la plume en cet an de grâce 17…, et commence mon récit à l’époque où mon père tenait l’auberge de l’Amiral Benbow, en ce jour où le vieux marin, au visage basané et balafré d’un coup de sabre, vint prendre gîte sous notre toit.

Je me le rappelle, comme si c’était d’hier. Il arriva d’un pas lourd à la porte de l’auberge, suivi de sa cantine charriée sur une brouette. C’était un grand gaillard solide, aux cheveux très bruns tordus en une queue poisseuse qui retombait sur le collet d’un habit bleu malpropre ; il avait les mains couturées de cicatrices, les ongles noirs et déchiquetés, et la balafre du coup de sabre, d’un blanc sale et livide, s’étalait en travers de sa joue. Tout en sifflotant, il parcourut la crique du regard, puis de sa vieille voix stridente et chevrotante qu’avaient rythmée et cassée les manœuvres du cabestan, il entonna cette antique rengaine de matelot qu’il devait nous chanter si souvent par la suite :

Nous étions quinze sur le coffre du mort…

Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !

(...)

Il était ordinairement très taciturne. Tout le jour il rôdait alentour de la baie, ou sur les falaises, muni d’une lunette d’approche en cuivre ; toute la soirée il restait dans un coin de la salle, auprès du feu, à boire des grogs au rhum très forts. La plupart du temps, il ne répondait pas quand on s’adressait à lui, mais vous regardait brusquement d’un air féroce, en soufflant par le nez telle une corne d’alarme ; ainsi, tout comme ceux qui fréquentaient notre maison, nous apprîmes vite à le laisser tranquille. Chaque jour, quand il rentrait de sa promenade, il s’informait s’il était passé des gens de mer quelconques sur la route. Au début, nous crûmes qu’il nous posait cette question parce que la société de ses pareils lui manquait ; mais à la longue, nous nous aperçûmes qu’il préférait les éviter. Quand un marin s’arrêtait à l’Amiral Benbow – comme faisaient parfois ceux qui gagnaient Bristol par la route de la côte – il l’examinait à travers le rideau de la porte avant de pénétrer dans la salle et, tant que le marin était là, il ne manquait jamais de rester muet comme une carpe. Mais pour moi il n’y avait pas de mystère dans cette conduite, car je participais en quelque sorte à ses craintes. Un jour, me prenant à part, il m’avait promis une pièce de dix sous à chaque premier de mois, si je voulais « veiller au grain » et le prévenir dès l’instant où paraîtrait « un homme de mer à une jambe ». Le plus souvent, lorsque venait le premier du mois et que je réclamais mon salaire au capitaine, il se contentait de souffler par le nez et de me foudroyer du regard ; mais la semaine n’était pas écoulée qu’il se ravisait et me remettait ponctuellement mes dix sous, en me réitérant l’ordre de veiller à « l’homme de mer à une jambe »
."

Texte 4 : Une petite robe de fête de Christian BOBIN

"On fait quelques pas hors de l'enfance, puis très vite on s'arrête. On est comme un poisson sur le sable. On est comme celui qui piétine dans sa mort, un adulte. On attend. On attend jusqu'à ce que l'attente se délivre d'elle même, jusqu'à l'équivalence d'attendre, de dormir ou mourir. L'amour commence là - dans les fonds du désert. Il est invisible dans ses débuts, indiscernable dans son visage. D'abord on ne voit rien. On voit qu'il avance, c'est tout. Il avance vers lui-même, vers son propre couronnement.

Ainsi vous ai-je vu avancer dans la poussière d'été, toute légère dans votre robe toute blanche.

Celle qu'on aime, on la voit s'avancer toute nue. Elle est dans une robe claire, semblable à celles qui fleurissaient autrefois le dimanche sous le porche des églises, sur le parquet des bals. Et pourtant elle est nue - comme une étoile au point du jour. A vous voir, une clairière s'ouvrait dans mes yeux. A voir cette robe blanche, toute blanche comme du ciel bleu.

Avec le regard simple, revient la force pure.

Je vous reconnaissais. Vous étiez celle qui dort tout au fond du printemps, sous les feuillages jamais éteints du rêve. Je vous devinais depuis longtemps déjà, dans la fraîcheur d'une promenade, dans le bon air des grands livres ou dans la faiblesse d'un silence. Vous étiez l'espérance de grandes choses. Vous étiez la beauté de chaque jour. Vous étiez la vie même, du froissé de vos robes au tremblé de vos rires.

Vous m'enleviez la sagesse qui est pire que la mort. Vous me donniez la fièvre qui est la vraie santé.

Et puis vous êtes partie. Ce n'était pas trahir. C'était suivre le même chemin en vous, simple dans ses détours. Vous emportiez avec vous la petite robe de neige. Elle ne dansait plus dans ma vie. Elle ne tournait plus dans mes rêves. Elle flottait sous mes paupières lorsque je les fermais pour m'endormir, juste là : entre l'œil et le monde. Le vent des heures l'agitait fiévreusement. L'orage des chagrins la rabattait sur le coeur, comme un volet sur une vitre fêlée.

Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour. Qui a connu l'absence a pris connaissance de son néant - de cette connaissance lointaine qui fait trembler les bêtes à l'approche de leur mort.
"

Texte 5 : Araignée des Sables de Jacques CRICKILLON

"le repos dans les prairies du rêve (parenthèses du cauchemar) ne surpasse guère sa découverte - ces chairs miroitantes ténébreuses des vitrines de mode la nuit qu'il pleut et qu'ils sont tous aux terrasses des Hilton du Sud - le coq de concours annonce le jeu des épées la famille te cache dans les caves de la troisième guerre mondiale on se fout de tout quand on attend vraiment de ne plus être et le petit frère parti dans des Bermudes des Bahamas des Cinghalaises avec ce qui te restait de reconquête - comment se lever se montrer parler aux jeunesses - et le texte peine dans les faux-plats du côté des villages jamais visités - fermes désertes qu'on aperçoit de loin entre les dahlias fanés des chapelles dont la grille bée - tabernacle gravé de l'araignée grise à pointes noires - des chiens hirsutes grondent nul ne les retient on avance à reculons vers les plus proches déserts un carrelage bleu au passage profond comme la mer chaude comme si quelque femme sommeillait là dans l'angle mort dans un panier de dentelles les mains sans tache sur des accoudoirs de vieux chêne et le front d'un ovale fascinant ceint de cette mélancolie sournoise des réclusions volontaires ensuite le sentier précipite vers le ruisseau des taillis pleins de détritus et de roches à vipères un homme brun de là-haut avec une fourche vous appelle ou vous chasse on voudrait vivement un café avec des rideaux clos un billard de la musique des habitués et une serveuse laide et délurée pour se moquer de la frayeur et de l'appétit - cependant qu'on colporte à mauvais gré le souvenir de celle qui fut mais c'est si loin si loin l'espérance le repos dans les prairies - Elvire Ava Mansour bêtes farouches dont les toisons frissonnantes enfièvrent Madigan réminiscence d'une fête sévère parmi les buis Hukala perfection de sa vie valse brève au centre du labyrinthe son regard de l'éclat métallique du vert les poisons de l'orchestre hautain sur son kiosque et le départ général soudain au milieu de la mélodie - dans les prairies proches de l'aurore quand ronflent les premiers autobus épuisent les ultimes ferveurs les idées enivrantes (zébrures d'orage) de l'insomnie ces levers d'oiseaux sur les lacs ces galops de chevaux derrière les murs des parcs et les syllabes qu'on pleure au réveil comme si le grand le suprême amour avait passé
le repos dans les prairies (l'instant prolongé de notre rencontre) se déroule sous les tirs de mitrailleuses à la lueur des thunderflacs le corps trop terriblement désiré adopte les déchirants dégradés de la mort et de la volupté - les toutes jeunes en cuir gaufré à la porte des casernes les mini-jupes délacées autour des échafauds et le drap communautaire des chambres de conservation où s'opèrent du coin de l'oeil sur la fuite les reconnaissances les plus inattendues - alors que les forces déclinent que les tranchées du jour ouvrent au vaguemestre leur auditoire de fous et de paralysés ah ! Beril ah ! frêle âme du matin mouillé dessin de la vitre embuée dans le wagon qui me porte aux huit heures d'absence je t'offre encore les paupières sommeilleuses d'une lectrice d'amour doux je t'offre cette passionnante indifférence
"

Quelques indices et indications :

Texte 1 : relève de la pédagogie, de l'émotion mais aussi de la tendresse. Ne soyez pas trop dur tout en restant sensible à l'émotion qu'il faut dégager de ces conseils donnés par un père à son fils.
Texte 2 : est à la fois solennel et chargé d'émotion aussi. N'oubliez pas que ces règles écrites dans l'Antiquité sont censées accompagner chaque geste que pose un médecin dans sa vie s'il veut être digne de sa profession.
Texte 3 : est un récit narratif et descriptif, il s'agit donc cette fois de captiver l'attention du public, de rendre le texte vivant.
Texte 4 : est un texte lent, chargé d'émotions contenues et doit être abordé avec douceur.
Texte 5 : est un texte sans ponctuation, il faut en trouver le rythme, l'intonation et le souffle.